Maltraitance

À retenir

La maltraitance est une problématique fréquente, multiple dans ses présentations médicales. Le diagnostic est difficile en raison d’une anamnèse parfois absente, incomplète ou erronée, et d’une présentation clinique qui peut être asymptomatique ou aspécifique.

Le dépistage de la maltraitance s’effectue sur la conjonction de données anamnestiques et cliniques, en évitant les sous- ou surévaluations. Elle doit faire partie du diagnostic différentiel de toute lésion traumatique inhabituelle ou…

La maltraitance physique, psychologique (y compris exposition à la violence conjugale), les actes d’ordre sexuel (cf. chapitre dédié) et la négligence doivent être pris en charge dans le respect des lois sur la protection des mineurs. Plus de 80% des mauvais traitements sont infligés au sein de la famille.

Il existe dans les hôpitaux pédiatriques des équipes hospitalières de protection de l'enfant spécialisées dans l'évaluation des enfants victimes de mauvais traitements. Ces équipes interviennent également de façon préventive, particulièrement dans le secteur de la maternité, afin de soutenir les familles en difficulté et s’assurer de conditions sécurisantes pour le nouveau-né et sa famille.

 

Facteurs de risque de maltraitance

Chez les parents

Chez l’enfant ou l’adolescent

Jeune âge

Antécédents de maltraitance

Difficultés psychiques

Addictions

Troubles de la relation précoce

Séparation parent-enfant

Attentes parentales inappropriées

Stress socio-économique

Séparation conflictuelle

Grossesse mal surveillée

Gémellité

Prématurité

Handicap

Troubles du comportement

Troubles du sommeil, pleurs répétés

Maladie chronique

 CAVE : Ces items ne traduisent qu’une augmentation du risque de maltraitance. Il faut les mettre en lien avec la dynamique familiale, l’ensemble de l’évaluation clinique. L’absence de facteur de risque ne peux pas éliminer le diagnostic différentiel de maltraitance.

 

Anamnèse

Elle est conduite de manière prudente, rigoureuse et non interprétative. La source des informations (patient, parents, accompagnant, fratrie, …) est renseignée dans le dossier médical.

 

Objectifs de l’anamnèse : évaluation de la situation, dépistage des facteurs de risque, détection d’éléments suggestifs de mauvais traitements

 

Éléments anamnestiques pouvant orienter vers une maltraitance

 
  • Motif de consultation : Traumatismes répétés, convulsion afébrile ou malaise chez un nourrisson, accidents domestiques répétés, plaintes somatiques récurrentes sans étiologie claire, troubles psycho-comportementaux
  • Caractère inexpliqué des symptômes, incohérence entre la lésion et le mécanisme invoqué ou l’âge de l’enfant, discordance des explications dans le temps ou entre les personnes interrogées
  • Retard de recours aux soins
  • Manque d’intérêt des parents pour le diagnostic et la gravité éventuelle de la situation
  • Absence de suivi médical régulier ou discontinuité des soins
  • Antécédent de mort inattendue du nourrisson ou de maltraitance dans la fratrie
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Recommandations pour l’entretien avec l’enfant ou l’adolescent :

  • Evaluer la possibilité de s’entretenir avec l’enfant ou l’adolescent seul
  • Respecter le silence de l’enfant et privilégier le récit libre (pas de question fermée ou répétée)
  • Ne pas chercher à établir la vérité, mais documenter mot pour mot les propos de l’enfant et de l’accompagnant
  • Ne pas prendre parti pour l’un ou l’autre des parents
  • Demander conseil à des collègues ayant plus d’expérience

Présentation clinique

Examen clinique 

  • Décrire l’état général (comportement, état nutritionnel, hygiène)
  • Faire un status complet (cavité buccale y compris freins de lèvre et de la langue, région rétro-auriculaire, tympans, cuir chevelu)
  • Mesurer les paramètres de croissance (poids, taille, périmètre crânien)
  • Lésions suspectes de maltraitance :
  • Toute lésion présente chez les enfants qui ne se déplacent pas debout
  • Toute lésion sans explication cohérente
  • Lésions multiples, ou coexistence de lésions de différentes natures ou d’âges différents
  • Morphologie évocatrice d’un objet
  • Localisation sur les parties postérieures du corps, les faces internes des cuisses, les organes génitaux, le cou, et les oreilles.

Types de lésions :

  • Ecchymoses : Une ecchymose avant l’âge de 9 mois est suspecte d’une intervention extérieure
  • Brûlures
  • Autres lésions cutanées : griffures, morsures, traces de contention, plaques d’alopécie, lésions endo-buccales, lésions péri-oculaires
  • Fractures : Chez l’enfant de moins de 2 ans, demander systématiquement l’avis du chirurgien pédiatre pour corréler le mécanisme expliqué par les parents au type de fracture constatée. Les fractures de côtes et les corner fractures sont hautement suggestives de maltraitance.

Traumatisme crânien infligé par secouement

 

  • Se voit généralement avant l'âge de 1 an
  • Hémorragies sous-durales, contusion et œdème cérébral, hémorragies rétiniennes au fond d’œil
  • Recherche de lésions associées comme fractures et ecchymoses
  • Se coordonner avec l’équipe hospitalière de Protection de l’enfant pour la question de la dénonciation pénale et du signalement
 

Prise en charge

Evaluer le degré d’urgence et la nécessité de mettre à l’abri l’enfant par une hospitalisation

Faire appel à l'équipe hospitalière de protection de l'enfant pour évaluer 

  • Examens complémentaires
  • Suivi médical, psychologique, social et juridique (signalement au service cantonal de protection de l’enfance ?)
  • Communication aux parents en co-consultation (équipe des soins et équipe de protection de l’enfant)

Rédaction d’un constat de coups et blessures si demande de l’accompagnant ou du patient, ou en cas de plainte prévue

 

Examens complémentaires

Ils sont orientés par la présentation clinique, à la recherche de lésions occultes associées ou pour dépister une anomalie sous-jacente, (dont la présence n’exclut pas une maltraitance).

  • Formule sanguine et bilan de crase
  • Bilan radiologique (squelette complet si < 2 ans à répéter à J15, et/ou scintigraphie osseuse)
  • Fond d’œil (si < 2 ans) : à noter que les lésions rétiniennes disparaissent en 2 à 14 jours
  • IRM cérébro-spinale (si < 2 ans)
  • US et/ou CT abdominal
  • Transaminases
  • Bilan phosphocalcique, cuivre, acide glutarique
  • Recherche de toxiques
  • Prélèvement ADN en cas de morsure fraiche
  • Bilan spécifique en cas de suspicion d’acte d’ordre sexuel (cf. chapitre dédié)

Constat de coups et blessures (CCB)

  • Type de violence : communautaire ou intrafamiliale
  • Qui accompagne l’enfant à la consultation ?
  • Objectif du CCB
  • Cadre de vie de l’enfant : situation parentale, parents protecteurs ou non, autorité parentale, droit de garde, avec qui vit l’enfant, droit de visite, scolarité et établissement scolaire.
  • Réseau professionnel autour de l’enfant : pédiatre, spécialistes, psychologue, assistant social du service de protection de la jeunesse, tuteur, etc.
  • Anamnèse : retranscription déclarative et circonstanciée des propos du patient et de l’accompagnant (indiquer si accompagnant présent ou non), description objective (mot pour mot) et factuelle des violences physiques/ psychologiques/ sexuelles subies, préciser si évènement isolé ou faits répétés.
  • Status orienté sur la base d’un examen complet : description minutieuse et non interprétative de chaque lésion (avec photographies) et du comportement de l’enfant, préciser si le développement est adéquat pour l’âge
  • Décisions prises au terme de la consultation, éventuels examens complémentaires cliniques et/ou médico-légaux
 

Harcèlement scolaire

  • A rechercher systématiquement à l’anamnèse lors d’une consultation de routine (climat scolaire)
  • La demande de CCB est un motif de consultation en contexte de harcèlement scolaire
  • Situations fréquentes, graves et chroniques, qui mettent en danger l’enfant autant physiquement que psychiquement, avec un risque de déscolarisation
  • Prise en charge :
 
  • Evaluation du type de violence (physique, psychologique, économique, cyberharcèlement) et du risque de représailles
  • Prise de contact avec l’école (p.ex. infirmiers scolaires), pour mise en place d’une intervention en milieu scolaire qui évalue et prend en charge ces situations, notamment par la méthode de la préoccupation partagée
  • Orientation vers les centres LAVI selon la situation
  • Evaluation de la détresse psychologique de la victime et prise en charge pédopsychiatrique si nécessaire
 

 

Evolution et pronostic

  • La maltraitance entraine des complications à court comme à long terme sur la santé et le développement de l’enfant pouvant conduire au décès de l’enfant si le cycle de violence intrafamiliale n’est pas identifié.
  • L’exposition des enfants à la violence conjugale constitue une maltraitance dont les conséquences à long terme sont aussi graves que celles liées aux autres types de maltraitance.
  • Le risque de récidive est élevé si la maltraitance n’a pas été identifiée par un professionnel. Le dépistage précoce de la maltraitance et la mise en œuvre des démarches permettant d’assurer la protection de l’enfant représentent un enjeu majeur.